mardi, 10 décembre 2024|

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Les gens pauvres et les pauvres gens

Les gens pauvres sont objectivement de plus en plus nombreux, en France et dans le monde. Mais ces gens ne sont pas forcément de pauvres gens, même s’il est plus confortable de le croire et pour certain de le laisser croire. Ils ne sont pas non plus par essence des profiteurs, jouissant des largesses de régimes sociaux si avantageux qu’ils auraient généré un assistanat de confort, devenant une pompe aspirant les candidats à ce bonheur particulier où qu’ils soient, même et surtout ceux qui habitent encore d’autres continents.

Paradoxalement, les pauvres gens et même les pauvres types sont de leur côté également de plus en plus nombreux. Aucun chiffre ne peut le corroborer, mais c’est mon point de vue personnel. A lire ce que je lis, à entendre ce que j’entends et à voir ce que je vois, je n’ai aucun doute à ce sujet. Mais peut-être devrais-je moins fréquenter certains réseaux sociaux, moins regarder la télévision, moins écouter certains politiques aigris, et être moins sensible à l’odeur nauséabonde du temps présent.

Parmi ces pauvres gens, ceux qui se voudraient braves et vindicatifs face aux plus faibles et aux plus pauvres sont parmi les plus détestables. Ces gens braves ne sont ainsi jamais de braves gens, même lorsqu’ils ne font que croire ce qu’on veut leur faire croire et répéter ce qu’il convient de répéter. « Il y trop de social en France », ânonnent-ils pour expliquer l’ensemble des problèmes qui se posent à leurs yeux. Ils sont alors, au-delà d’être des pauvres gens, très souvent des sales types (sans être forcément des types sales par ailleurs). Ils le sont particulièrement lorsque leurs poches sont pleines et qu’ils s’exilent fiscalement pour prendre de la distance, pour s’isoler, pour respirer mieux, pour ne pas être écrasés par les contributions sociales exorbitantes, pour avoir quelque chose à transmettre à leurs héritiers et ne pas être dépossédés de ce qu’ils croient mériter. « Ben voyons ! Les pauvres types que voilà ». Ils le sont également, pour certains tout au moins, lorsqu’ils n’ont pas grand-chose à attendre de la chasse aux prestations sociales et à ceux qui en bénéficient, sauf à voir l’écart par rapport aux plus pauvres qu’eux se renforcer.

Les gens pauvres sont souvent le fruit de l’indifférence des autres et du monde à leur égard, d’une société qui ne veut pas être inclusive ou équitable et qui ne leur laisse, comme seules places disponibles, que les dernières, qui laisse à la charité les responsabilités qu’elle ne veut pas prendre. La pauvreté ne donne aucune vertu particulière aux personnes qui en souffrent. Elle s’accompagne même de beaucoup de turpitudes, de vices et de bassesses. Pour autant, elle ne doit pas être une maladie qui demande l’assignation hors résidence et hors espaces de vie de ceux qui ne sont pas touchés. La pauvreté est une maladie transmissible de générations en générations et de quartier en quartier, avec un cordon sanitaire qui se crée quasi miraculeusement dès lors qu’elle gagne des parts de trottoirs dans un quartier.

Les pauvres gens sont souvent le fruit de leur propre indifférence à l’égard des autres. Personne ne leur demande d’agir, d’héberger des sans-abris ou de soutenir les migrants. Ils pourraient juste ne pas fermer les yeux, se boucher le nez, les oreilles et le cœur. Ils pourraient juste parfois se taire ou avoir un minimum de décence et de compassion pour ceux qui sont en situation de pauvreté, sans penser qu’ils méritent leur sort, ou pire qu’ils en jouissent. Ils pourraient avoir d’autres critiques, d’autres combats, d’autres convictions en lien avec leurs valeurs…, sans que l’autre, le pauvre, l’étranger ne soit leur cible privilégiée et unique.

Certains d’entre ces pauvres gens sont riches et parlent opportunément de ruissellement, et d’ailleurs cela n’a jamais autant ruisselé pour eux et vers eux. D’autres sont moins riches. Ils appartiennent aux classes dites moyennes. Ils auraient peur d’être déclassés ; Les derniers ne sont pas riches du tout. En attendant, sans savoir ce qu’ils attendent au fond, ils déblatèrent tous sur les misères d’un monde où les valeurs de référence à leurs yeux, comme le travail, la famille et la nation (pour certain la patrie) ou encore le respect, foutent le camp. Un monde où le féminin et le masculin se confondent, où tout ce qui fait le ciment d’une société civilisée occidentale se désagrègerait. Ils s’en prennent alors à ces salauds de pauvres qui profitent des failles du capitalisme déclinant mais encore triomphant. "Tant qu’il y aura des hommes, tant qu’il y aura de l’ordre, tant qu’il y aura de la croissance..., cela devrait tenir" se disent-ils.

Et quand ils manquent de carburant pour déverser leurs certitudes et leurs haines, ils allument leurs télévisions, surfent sur les réseaux sociaux ou parlent à leur chiens en s’autopersuadant de la profondeur de leurs pensées.

Le nombre de pauvres augmente de manière lente mais régulière. Parallèlement (je n’arrive plus à dire en même temps), le nombre de milliardaire explose. Le 22 juillet aura par ailleurs été la journée la plus chaude du siècle…

Et tout continue bien entendu à aller pour le mieux dans le meilleur des mondes.

(Post Linkedin de Gérard Hernja, Recherche et prospective : Education, Environnement et Mobilités)

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